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Garçon de bureau

 Père Cesar Mourani ocd

 


 

Garçon de bureau par Père Cesar Mourani ocd

 

Parfois, il me vient à l’esprit de me demander, mais pourquoi le bon Dieu ne m’a pas doté d’une sagesse plus ample dès mes tendres années, de façon à m’épargner les bévues des années folles.
Trente-cinq ans … j’avais traversé l’espace de trente-cinq depuis que mes yeux s’étaient ouverts à la lumière du jour. Je vivais, dans la vie, tout son envol, sans attaches. Cependant, en ce moment-là, je manquais le chemin, je pesais peu ! Le vide envahissait tout mon être. Toutes mes attaches venaient de se rompre. Je sentais le besoin d’en avoir d’autres plus chaudes, plus intimes, plus réelles. Comme elle est dure la solitude surtout si elle est intérieure ! Un jour, le vide me rongeait. Excédé jusqu’au fond, je pris la folle décision de couper tout lien avec mon passé. J’écrivis une lettre d’adieux aux responsables et avec mes ailes engourdies par la rouille je pris mon envol. Je n’eus pas assez de souffle pour voler loin. Bientôt, je me retrouvai sur le trottoir, ‘’albatros parmi les marins’’. Solitude totale. Je manquais de refuge pour la nuit. J’avais les poches aussi vides que ma tête.

Mon cousin maternel venait de louer un local, un couloir, l’entrée d’un dépôt interdit d’accès. Assez large pour y dresser le squelette d’un lit repêché je ne sais où. Mon frère cadet qui venait d’abandonner son boulot s’était muni d’un simple sofa qu’il avait réussi à glisser dans l’entrée, à la suite du lit de mon cousin. Dépouillé de tout, j’avais eu l’idée, par hasard, d’emporter un vieux sac de couchage que je gardais avec moi, simple trophée de mes années de scoutisme. Le sac, déplié dans le vide entre le lit de mon cousin et le mur parallèle, je m’y faufilai, quoiqu’avec peine. Mes souliers sous la tête en guise d’oreiller, je m’endormis rêvant d’un jour meilleur.
Le lendemain de bon matin, je me réveillai, tabassé, mais comme je devais aller de l’avant, à la recherche de travail, je quittai les amis après un bref bonjour. Un point d’eau en chemin, j’en profitai pour me baigner le visage. De Ain Errimmané à Bab Edris je pris le service jusqu’à place de l’Etoile et le reste à pied. Talat Akmar, un copain m’en avait parlé, une chance possible. Le directeur me reçoit après un temps d’attente. Enseignant de Français ? Une place vacante était en attente. Dix ans d’expérience dans les classes primaires, licence ès-lettres, prêtre en plus, c’est parfait ! Ça peut aller ! Merci Bon Dieu, je respirai une longue bouffée d’air.

Vos papiers, carte d’identité, photocopie du diplôme … Syrien, de la famille Mourani ! Veuillez-vous reposer dans la salle d’attente, on vous rappellera.
Après un temps que j’ai cru interminable – Monsieur ! Moi? Oui, C’est bien vous. Le directeur vous attend.
J’entre, hésitant. Je regarde le visage du prêtre. Aucune expression. Je ne vis plus rien. Ce fut une nuit blafarde …
J’entendis à peine exprimé d’une voix anodine, « Désolé monsieur, nous n’avons pas de place ».
Dehors je repris mes esprits. Il aurait dû dire plutôt, nous orthodoxes, nous n’avons rien de commun avec vous maronites. Je me suis rappelé avoir entendu, une fois cette douloureuse rengaine ! Maronite. Je repris mes papiers et m’en allai. Il n’était que dix heures du matin, mais il commençait déjà à faire nuit.
L’après-midi, à la fac, je susurrai, hésitant, à une copine rencontrée sur la pelouse. « Je cherche du travail … »
La jeune fille resta quelques moments à me fixer dans les yeux. Elle semblait ne pas comprendre. « Je cherche du travail », repris-je.

Une école vient d’ouvrir ses portes à Zalka dans le quartier de chez nous. Allez voir le père directeur, il se peut qu’on ait besoin de vous, me dit-elle, évasive. Nous nous connaissions depuis trois ans. Elle savait tout de mon état. J’étais un ami de la famille. Pourquoi cette question, tout à l’heure. Je lui confiai que j’avais quitté le couvent, et sans argent, je me retrouvais sur le pavé.

Allez voir le directeur, me répéta-t-elle. J’ai entendu qu’on avait besoin de personnel enseignant, bonne chance ! Vous pouvez leur dire que c’est de la part de mon père, le curé. Le directeur est un ami de papa.

Je rentrai, ce soir-là, passer la nuit dans le tunnel de chez mon cousin. Après plusieurs essais, je réussis à fermer les yeux. Mon estomac criait de faim, je n’avais pas mangé de toute la journée, cependant, dans les ténèbres de ma nuit, une petite lueur s’infiltrait jusqu’à mon intérieur, à travers mes paupières quelque peu entr’ouvertes. Le lendemain, c’était un samedi, je me tirai de mon sac, assez confiant. Je me débarbouillai rapidement à une fontaine qui égouttait son eau à l’entrée de l’immeuble et me voilà dans la rue en direction de Zalka. Un seul service, le reste à pied, il fallait épargner. Enfin, haletant, je suis devant l’entrée. Je prends mon temps à respirer. Des gens, des enfants entraient, d’autres sortaient. Ce sont, sans doute, les inscriptions, me dis-je. Je repris mon souffle, enfin je me faufilai à l’intérieur. Une grande bâtisse. Un vaste hall comme entrée. Une large scène de théâtre au fond, en face, une série de classes à gauche, d’autres à droite, à gauche, en face un escalier qui donne sur l’étage. Je reste quelque temps à fixer les locaux. Des familles attendaient devant une porte à moitié ouverte. Ce doit être le bureau du directeur, me dis-je. A gauche, dans un coin du hall, on avait arrangé une sorte de bureau. Porte ouverte, on voyait, de profil, à travers une large fenêtre, la tête d’une jeune dame, cheveux courts, noirs de geai. Probablement la secrétaire, allons voir. Je m’approche. En face, devant la porte. Elle lève les yeux, un regard de biche, très doux. Elle me fait signe. J’entre. Elle attend. Je décline, doucement, mon identité. Elle se lève pour saluer.

Madame, demoiselle ? Demoiselle, s’il vous plait. Puis-je voir le directeur ? Je viens demander du travail ! Elle m’indigne une chaise. L’appareil de téléphone en main, elle passe une communication et me fait signe d’attendre.
Tout en feuilletant un dossier étalé devant elle, elle m’observe du coin de l’œil. Je fais semblant de ne pas voir. Tout en fixant mon attention sur le mouvement des gens à travers la fenêtre du bureau, je suis d’un regard admiratif les écrits qui ornent les espaces blancs des murs et des vitraux de la chambre. Calligraphie ornementale, les phrases et les vers recèlent une âme ardente de sensibilité. Je coupe le silence, votre travail? Elle acquiesce, toute rouge.

Félicitation ! L’ensemble forme un tableau de haute couleur. Merci ! Elle remet l’appareil. Le directeur vous attend. Il trône derrière son bureau. Un petit signe de tête. Je m’assois, les yeux rivés sur mon dossier. Pas de questions. Il a parcouru ma présentation. Juste ce qu’il faut. La place pour un enseignant de langue française en cycle deux, classes primaires. Plein temps, 8èm-7ème, avec les sciences naturelles vous y êtes, pour les premières périodes ou pour les secondes de la journée me fit-il entendre. Je préfère les premières ; celles de l’après-midi, j’en ai besoin pour les cours à la faculté .

Une question s’il vous plait. Est-ce que vous avez une couchette à l’école, pour moi? Possible ! Il appuie sur un bouton. La face d’un homme apparait à la porte entr’ouverte. Accompagne le père chez la secrétaire. Fais signer les papiers et trouve-lui un lit pour dormir. Je remets le dossier à la secrétaire. Je signe les formalités. En signe de gentillesse, je lui souhaite un bon week-end.

L’homme de la maison, m’indique, de loin, la porte qui donne sur la couchette, il me signale en même temps la direction de la salle des bains. Pas besoin de clef pour le moment - Le concierge est là pour vous ouvrir. Essayez de ne pas rentrer trop tard.

Je descends à pas légers la longue rue qui relie l’école à l’autoroute. Comme elle m’a semblé courte. Dans le bus je crois avoir dormi puisque je ne me suis pas rendu compte du temps écoulé. A Tripoli, je traverse la grand ’rue de Tell. Le couvent est en face. La place centrale de la ville, généralement fort bruyante, clacksons de voitures, vocifération de chauffeurs, un bruit assourdissant. Contre son habitude, la place centrale de Tripoli, le Tell, semblait calme, reposante. Je prends mon temps pour parcourir les quelques centaines de mètres. Je gave mes yeux du spectacle de la rue. Comme il semblait nouveau. A sentir la faim, la soif, deux jours à jeun, il n’y a pas de temps. Je traine mes pas, rien ne presse ! Enfin, étonné d’être à l’entrée, je gagne la cuisine. Tout d’un trait, je viens de ressentir la faim…

Sur le soir, une visite à des amis et la nuit dans ma chambre au couvent. J’en garde un bon souvenir. J’ai dormi plein les yeux. Une matinée normale. La messe de dix heures, repas de midi et une courte demi-heure de sieste. A la cuisine, dans un sac, un gros morceau de fromage gruyère, du pain, et tout droit au garage. Aujourd’hui, c’est dimanche après-midi ; pour la rentrée, il faut faire à temps pour avoir son billet ou bien attendre l’occasion.

Sur le couchant, je suis là sur le perron de l’école à Zalka. Monsieur me reconnait, il m’ouvre. Je dépose mon sac dans un coin du hall et je ressors dans la rue sans rabattre la porte.

Il y avait encore quelque lumière, je fais quelque pas pour me dégourdir les jambes. Au tournant de la rue, un marchand ambulant attardé vend des raisins secs. J’en achète, jugeant que ça pouvait aller, en absence d’autres choses, avec le pain et le fromage. Enfin je suis là pour la nuit.

Je prends le sac de provisions et je me dirige, dans la pénombre du hall, vers la porte de la chambre à coucher. La clef dans la porte, j’ouvre doucement, noir complet, j’allume. Bon Dieu !
C’est une salle de classe. Les bancs mis de côté, un lit métallique est placé dans le coin à gauche de l’entrant. Sur le lit s’étend un matelas en éponge de dix centimètres environ d’épaisseur.
Rien d’autre. Pas de draps, pas de couverture, pas d’oreiller. C’est bon pour une sieste d’été. Je retire pull et pantalons, un petit signe de croix et j’essaie de fermer les yeux. Un frisson de fraicheur me parcourt le corps dévêtu. En vain j’essaie de trouver une position confortable. Rien ne sert de me rouler sur ce lit qui ne cesse de gémir, à chaque mouvement de mon corps. Onze heures, douze heures le froid me gagne, je frissonne, une fane sur l’eau.

Debout, je cherche une solution. Autour de moi, la salle est vide, même d’un rideau. Je sors dans le hall. Tout au fond, il y a une scène de théâtre. Le parquet est couvert d’un tapis. Une idée me vint en tête. Sitôt pensée sitôt fait. Je rentre dans la salle de classe, j’emporte l’éponge et, sur le tapis de la scène, blotti comme un bébé sous le matelas, j’essaie de fermer les yeux. Peu à peu, je sens moins de froid. Engourdi ou bien il fait vraiment plus chaud ? Je ne saurai pas le dire. Assoupi, à cinq heures, je tire mon corps grelottant. Je remets tout en place. Aux toilettes, l’eau fraiche me ragaillardit quelque peu. Heureusement qu’il y avait un rouleau de papier. Comme je manquais de serviette, je m’en servis pour m’essuyer la figure. Finie la toilette, je déballai mes provisions pour le casse-croûte et je sortis dans la rue pour fumer une cigarette. Je cherchai dans les parages, une tasse de café ou quelque chose de chaud. Ce fut en vain. Je dus attendre l’ouverture.

Enfin on me confia les enfants. Une classe de 8ème et une autre de 7ème. Comme ils étaient beaux, mes élèves. Une quarantaine de petites têtes où les yeux brillaient d’intelligence et de vivacité. Je les aimais bien. Dans leurs regards cristallins je mirais les jours ensoleillés de l’été où je venais de mener les scouts insouciants à travers les replis de la campagne et les herbages des champs.

Ayant eu mes bouquins et mon programme entre les mains je veillai deux ou trois nuits pour planifier le travail et organiser leçons et travail personnel. Leçons claires et, juste une courte application à la maison. En résumé, je fis de mes classes une troupe d’éclaireurs bien heureux. La méthode, sur le chantier, parut ne pas plaire à la responsable de cycle. La vieille demoiselle me fit appeler à son bureau. Votre méthode de travail ne me plait pas du tout. Vous êtes en train de gâter les enfants. Vous allez appliquer mes directives. Mais, demoiselle, vous ne pensez pas que chacun peut avoir sa propre façon de faire parvenir les informations.
Non, j’ai bien dit que vous devez faire comme les autres, suivre mes orientations.

Vous avez remarqué, peut-être, les notes des élèves. Ma méthode est fruit d’une quinzaine d’années d’expérience. D’ailleurs permettez que je continue le travail jusqu’à Noël. Vous mènerez les examens, vous-même, ou par tierce personne, selon vos propres conceptions. Et si jamais les résultats ne vous donneront pas satisfaction, je me retirerai de l’enseignement.

Monsieur, il est question de méthode, vous êtes obligé de l’appliquer.

Je me retirai dépité, malheureux. Comment changer de méthode de traiter avec les enfants. Des pinsons, libres dans la forêt, gazouillant de toute leur force, à gorges déployées. Tout en s’amusant, ils gavaient d’une façon superbe et sans fatigue le contenu de leurs livres. A l’examen mensuel, ils ont été merveilleux et pourtant les compositions faisaient gratter la cervelle. Des résultats excellents, dis-je à la responsable !
Il s’agit de la méthode !

Il fallait changer. Mon sale caractère, trop plein de soi, refusait tout compromis. Refus total de se plier. Il fallait aller à la casse. En ce moment- là, cela faisait partie du miracle. Je décidai de me plier, bonne figure à mauvaise fortune !

J’étais obligé de me plier. Je n’étais pas encore décidé à quitter le travail. J’avais déjà entamé des amitiés. Je ne me sentais pas capable d’y couper court en ce temps-là.

Comme je n’étais pas en bonne entente avec mon supérieur, je pensais sérieusement changer de vie. Aussi, quand je me suis engagé dans le travail, mon esprit et mes penchants s’orientèrent vers l’autre sexe. Je voulais de la compagnie. Une camarade du métier se faisait remarquer. Comme je venais de toucher ma première mensualité, je sautai sur l’occasion. Je l’invitai, une première fois, au restaurant. Je ne me suis pas permis de la réinviter. Habituée à se faire inviter elle cherchait des gens qui payent. Bon appétit, elle ne ménageait pas le compagnon.

Quand, pour la première fois, je me suis rendu à l’école, J’ai pris un bon moment d’attente chez la jeune secrétaire. En ce moment-là, je ne la trouvai pas belle. Elle était, il est vrai, pleine de charme, un sourire engageant, des manières d’une véritable dame du monde.

Elle était pourtant toute jeune, pleine de vie. Au total, elle était attirante. Je me suis lié d’amitié avec elle. Sérieuse, elle pensait à son avenir. Un jour, elle me posa la question. Ma réponse, pourtant évasive, ne parut pas lui déplaire. Nous continuâmes à sortir ensemble. Elle m’aimait vraiment et moi je m’étais attaché à elle pour de bon. De temps en temps, on continuait à nous retrouver autour d’une tasse de café dans quelque coin du centre-ville.

Parfois, notre rencontre de l’après-midi s’attardait à nuit avancée. Nous n’avions pas de voiture privée, nous nous servions des services publics. Durant les nuits claires, on allait hors Beyrouth. Le plus souvent, un coin écarté, face au port militaire de Jounieh cachait nos rencontres. Etendus sur l’herbe, au clair de lune, nous rêvions. Comme elle était tendre, ruisselante d’amour. Nos cœurs battaient à l’unisson. A la rentrée je me faisais un devoir de la raccompagner jusqu’au perron de l’école. Une dernière bise et elle rentrait. Quand j’entendais la porte se fermer derrière elle, je reprenais mon chemin tout pensif. Où allions-nous. Mon amie était sérieuse. Elle rêvait hautement de sa robe blanche. Moi, à dire vrai, je pataugeais dans l’incertain. Parfois je me sentais tellement décidé que j’avais le courage et l’envie de claquer la porte au passé et de faire le saut du petit pont qui nous séparait. Au milieu du saut, mes ailes, à l’envol, fléchissaient et je me retrouvais battre le sol comme ‘’un albatros sur le pont d’un navire’’. Mes liens paraissaient trop solides pour se délier même s’ils atteignaient le point de la rupture. Quelque chose, quelqu’un, je ne savais pas me l’expliquer, arrivait juste au moment crucial pour me bloquer et empêcher l’envol.

Mon amie, la douce secrétaire de l’école, et moi, nous avions déjà, établi nos relations sur des bases incontournables. En ce moment-là, elles donnaient les apparences. Cependant, à l’exception des moments heureux que je passais aux cotés de ma princesse, je donnais toujours l’apparence d’un caractère en très mauvaise humeur. D’abord, la responsable du cycle ne me donnait jamais un moment de repos. Elle était toujours là à m’attendre au tournant de la journée pour me rappeler son impératif « changer de méthode ». En second lieu, je faisais bien mes délices de l’amour de ma compagne, pourtant, quand je posais ma tête, alourdie par les ébats de la journée, sur l’oreiller de la nuit, la douceur devenait amertume et le remords minait mon sommeil jusqu’au point du jour.

Qu’est-ce que j’étais en train de faire? Je ne voulais point m’y attarder. Le meilleur moyen de passer outre, c’était la fuite.
Un jour, au début du mois de décembre, je décidai d’aller voir le directeur et sans préambule « Une question, dis-je, je suis employé chez vous ou bien chez demoiselle … Chez les deux ! La réponse me vint à l’oreille, sèche comme une balle.
Légalement vous avez droit à mes services pendant quinze jours. Je quitte en vous remerciant. Je n’entendis pas le commentaire, j’étais déjà dehors. De passage devant le secrétariat, un petit geste à l’amie et me voilà dans la rue.

De nouveau, je me retrouvai sur le pavé, les mains dans les poches. Noël vint me retrouver blotti dans mon sac de couchage dans l’abri de mon cousin. La veille, j’ai fait le vagabond dans les rues illuminées de Beyrouth. Et comme la plupart des vagabonds, j’ai trainé mes savates sur le pavé grouillé de gens, faisant le lèche-vitrines. Le peu d’argent que j’avais amassé s’étiolait à vue d’œil, aussi n’avais-je nulle intention de faire aucun achat, je donnais, tant de travail à mes envies réprimées.
Tout à l’heure, je me retrouve seul. Mon cousin, invité chez des parents, est parti fêter la Noël. Je me retrouve donc, seul. Ma tête bruit comme un moulin à eau, en pleine action. Cependant tout est calme, autour de moi, dans la nuit qui brille de toutes ses couleurs dans le quartier d’en face. L’agitation de la ville me parvient toute voilée. Elle vient s’éteindre aux confins da ma solitude. Solitude, vide, faim, rien n’a plus de consistance. Ma tête bourdonne comme un essaim d’abeilles à la sortie de sa ruche.

Je ne me souviens point d’avoir dormi de toute cette nuit-là. Le rideau de la porte était abaissé. Quand j’ouvris mes yeux, quelques bribes de lumière se laissaient filtrer à l’intérieur à travers les trous du vieux fer enrouillé. Le cousin rentré tard de sa soirée, je ne me souviens pas d’avoir remarqué son retour. Je ronronnai fort dans mon plein sommeil.

Je tirai mon corps brisé hors de l’abri. Quelques jets d’eau fraiche au robinet d’à côté et me voilà en route.

Sans but précis, je me laisse aller, à pieds, vers le centre-ville. Les rues paraissaient encore dormir, le soleil de dix heures, cependant, donnait une véritable envie de sortir. A l’approche de la place des Canons, je me rappelai que mon ami Joseph habitait dans le quartier, à quelques centaines de mètres de la place de l’Etoile. Pourquoi ne pas passer lui souhaiter la bonne fête? J’aimais bien ses parents. Ils étaient fort gentils. Je touche à peine, le bouton de la sonnerie, il m’ouvre lui-même la porte. Les parents étaient déjà là. Son frère ainé vint bientôt rejoindre la compagnie.

Docteur en sciences économiques, il travaillait comme courtier à la Bourse. Il venait de succéder à son père rendu à la retraite. En sirotant le café, je vins à leur dévoiler que j’étais au chômage et que je cherchais du travail. Le jeune docteur me proposa d’aller le voir au bureau. Toute issue bloquée, je ne me fis pas répéter l’offre. En attendant mieux, me dis-je. De sept heure et demie jusqu’à trois heures de l’après-midi. Trente-cinq livres libanaises par mois. Ce n’était pas un salaire alléchant, pourtant c’était mieux que rien.

Réveillé de bon matin, le service m’amenait directement place de l’Etoile. De là, je gagnais à pieds, pour épargner un autre service, le bâtiment de la Bourse.

J’ouvrais porte et fenêtre pour aérer le bureau. De temps en temps, balai et torchon, le bureau brillait de tout son éclat. A huit heures, mon jeune patron était, généralement là. Quand, parfois, le patron s’attardait, je me faisais un devoir d’accueillir la clientèle. Une tasse de café matinale. Etant fumeur enragé, je préparais, moi-même, avec grand soin, le café attendu.

Souvent, la journée commençait tôt. A 9heures, j’étais déjà hors du bureau, à faire les commandes du patron. De l’argent, parfois en quantité, à apporter ou bien à rapporter des banques. Ou bien des « Actions » à remettre contre argent. Parfois, surtout à mes débuts il m’arrivait d’avoir une peur terrible, qui ne me quittait qu’à mission accomplie, peur d’être poursuivi, peur de tomber dans une embuscade. J’avais pris des leçons de boxe dans mon adolescence. En filant, à toute vitesse, parmi les gens pressés sur les trottoirs, j’observais l’entourage tout en jugeant de la réaction opportune en cas d’attaque.

Un jour que je courais plutôt que marcher, emportant dans mon anorak, l’énorme somme d’un million de livre libanaise Je me retrouvai trébucher contre un obstacle imprévu. Je tendis les bras pour relever du sol un petit enfant que je venais de faucher.

Une fois débout, l’enfant me tendit un billet de loterie nationale. Pour réparer le mal que je venais de lui causer, je payai le billet. Ce fut la seule ou la seconde fois dans ma vie que je faisais usage de ce manège de chance.

Durant les quelques mois que j’ai passés à la Bourse de Beyrouth, j’ai eu l’occasion de faire tant de connaissances parmi les P.D.G. de la plupart des banques et des grandes sociétés.
Lors de mon entrevue de travail avec le patron, j’avais insisté, auprès de lui, sur une seule condition. Je faisais chez lui, le travail d’un « garçon de bureau » et que j’étais vraiment très à l’aise d’être appelé comme tel. Il était beaucoup plus jeune que moi et il ne trouvait pas normal d’appeler un homme, garçon ! Il n’ignorait pas mon identité et que j’étais l’ami et le copain de son frère cadet. Il se tint, cependant, à la condition pendant un certain temps, m’appelant tout court César. Mais bientôt, oubliant notre engagement, il me mit à découvert.
Souvent, quand je faisais le service aux banques ou bien aux directeurs des sociétés. On me faisait attendre. Le patron, impatient de me voir tarder, ne se privait pas de me suivre par téléphone : « Dégagez l’Abouna. Il est déjà en retard » Abouna ! Vous, vous êtes Abouna ! Je ne m’étais pas encore décidé à me dédire.

En ce temps-là, l’histoire des prêtres- ouvriers défrichait la chronique du jour et souvent on me prenait pour l’un d’eux.

Une première au Liban, une nouveauté. Je ne pouvais pas mentir et pourtant je n’en faisais pas partie. Je travaillais tout simplement pour gagner ma vie. Cela faisait quelque temps déjà que j’avais oublié mon identité. Maintenant, je me sentais aller à la dérive. Souvent, à peine présenté à la porte de certains banques, l’huissier me lançait à voix audible, « Bonjour Abouna, Monsieur le directeur vous attend ! »
Il fallait passer prendre le café chez le directeur, répondre à ses questions théologiques ou morales mener la conversation socioreligieuse. Alors que dans mes oreilles résonnaient les échos de la recommandation toute fraiche du patron, de faire vite.

Tout en parcourant les rues de la ville, mon esprit accusait un trouble infini. Les gens bienpensants traitaient, en moi, avec le jeune prêtre-ouvrier. Mon patron, l’homme qui lui assurait son service le plus adéquat possible, ne put jamais ignorer le prêtre qu’il avait engagé.

Garçon de bureau, ou prêtre -ouvrier ? Je ne rougissais point d’être pris pour garçon de bureau. Par contre j’en étais fier, le métier me faisait gagner le pain dont j’avais grand besoin pour pouvoir aller de l’avant. Le métier, quoi qu’il soit, n’est jamais vil, c’est l’amour qui, à la base, rend le travail vil ou honorable.

Parfois, le patron me paraissait manquer d’audace pour me demander certains services de ménage. Je me fâchais carrément et je lui faisais remarquer que j’étais là pour ce service et que j’étais payé pour ça.

Etre traité comme garçon de bureau ne heurtait point ma sensibilité. La question était ailleurs. Travailler pour gagner son pain ennoblit l’homme, le problème n’était pas là, le véritable problème c’était mon identité que je n’arrivais pas à gommer d’un coup de torchon. Oublier le religieux, le prêtre qui m’avait habillé et habité, avec courage et véritable zèle pendant plus d’une vingtaine d’années. La question était là. Me dépouiller de mon état, de mon identité, de mon habit religieux, de ma prêtrise effacer plus de vingt-cinq ans de ma vie passée pour ne remémorer dans l’homme nouveau que j’essayais de vivre que les qualités de l’homme même le plus honnête. Je tenais, de toutes mes forces à être autre, je tentais par tout moyen licite et parfois plutôt osé de me libérer, psychiquement et même physiquement.

Rien à faire, une voix subtile, douce mais insistante me susurrait souvent, la nuit, jusqu’à troubler mon sommeil malgré tout une journée harassante. La voix me revenait souvent, « qu’est-ce que tu fais de ton sacerdoce ? De ton habit religieux, tout à l’heure encore accroché derrière la porte de ta chambre, tu oublies que tu avais répondu courageusement à mon appel ! Où en es-tu, tout à l’heure ? Je te veux toujours, … Reviens ! »

Prêtre ou garçon ? Je me sentais tellement tiraillé ! Parfois j’agissais comme un automate. Cette duplicité en moi, duplicité profondément contraire à mon caractère simple et spontané, m’écœurait. J’essayais d’en sortir, allant dans le sens de l’homme libéré de tout lien avec le passé.

Pendant ce temps, deux jeunes filles, meublaient mon cœur, plutôt ma conscience. Je les aimais toutes deux. Et je n’ai jamais cessé de les aimer.

Je n’ai jamais voulu couper mes liens personnels avec elles. Elles faisaient partie de ma vie, quoique l’approche avec chacune d’elles, fût complètement différente. La première c’était ma petite compagne, la jeune secrétaire. Elle vivait vraiment, dans la vague qui me poussait vers le large, j’y croyais pleinement, elle me faisait croire qu’elle attendait le moment de l’éclosion de l’homme nouveau en moi, de l’homme libéré de son passé, l’homme dont la perspective déchainée de tout obstacle tendait vers un avenir à deux. En ce moment, je le désirais réellement, je l’aimais. Cependant, mon habit de religieux attendait, accroché derrière la porte de ma chambre au couvent. La voix ne cessait point de me le rappeler.

La seconde jeune fille, était une infirmière. Elle faisait du service dans un grand hôpital de la ville. Cette jeune infirmière était mon amie. Elle l’a été et elle l’est toujours. Cheftaine de louveteaux, Oursin hardi, son surnom, était mon amie depuis bien longtemps. On s’entendait parfaitement, deux âmes sœurs, deux âmes tout simplement amies. Si jamais, il existe un critère différentiel, réel, entre amitié et amour, on aurait pu l’appliquer sans hésitation dans ce cas. Cette amitié, saine, pure, claire avait engendré une relation si profonde que nos âmes étaient parvenues à s’entendre sans paroles, à ressentir leurs problèmes, à connaitre les soucis réciproques, loin de toute communication.

Bref, deux compagnes, deux amitiés, deux relations qui allaient dans deux orientations radicalement opposées. La première donnait hautement les signes d’une recherche de vie à deux. La seconde – elle me le disait carrément – ne pouvait voir en moi autre chose que l’ami prêtre. Oursin hardi, fut tellement hardie dans son combat d’amitié qu’elle eut, enfin, gain de cause. Qu’on m’excuse, si je lui rends, ouvertement, cet hommage. Une telle amitié vaut la peine d’être entretenue.

« Les anges existent, mais parfois lorsqu’ils n’ont pas d’ailes, on les appelle simplement amies».

Vers la fin de mai de l’année en cours, j’avais pris ma décision. Pour le moment, acculé par la voix qui me poursuivait, et pressé par les conseils de mon directeur spirituel de sainte mémoire, feu père Aucagne (.s .j.), je décidai de tout quitter, de boucler mon sac, m’excuser auprès de mon patron et de regagner, au plus vite, la pénombre de ma chambre au couvent.

L’entente avec le patron ne fut pas sans accrocs. C’était tout à fait normal. Il n’était pas loin d’attendre ce moment. Cependant, se retrouver brusquement sans garçon de service, cela a dû lui causer de la gêne.
Il fit, toute fois, bonne figure à mauvaise fortune et se levant, en homme d’honneur, il me tendit la main, nous nous souhaitâmes bonne chance et je repris le chemin du retour.

Par contre, l’entrevue avec ma petite amie, la jeune secrétaire ne fut pas aussi calme. Cependant, elle ne fut pas houleuse. Ses perles précieuses coulèrent sur ses joues.

Elles me firent beaucoup plus de mal qu’une véritable blessure. Je l’abandonnais à mi-chemin. Ce n’était pas, de ma part, un acte d’honneur. Cependant je ne pouvais pas agir autrement. Répondre à la voix qui me poursuivait était plus fort que moi. J’essayai par mes pauvres moyens d’essuyer ses larmes. Longtemps, bien longtemps plus tard, les circonstances me mirent en situation de la rencontrer chez elle, dans sa maison.
Elle était mariée. « Mariage de raison », me dit-elle ! Pauvre petite amie. Comme elle paraissait malheureuse. Je n’en étais pas de toute innocence.

Je repris, quelques jours plus tard, mon sac à dos, ma vieille tente et je gagnai mon camp scout. J’y faisais l’aumônier, parfois chef de camp. Je confesse que je n’étais pas tout à fait dans ma peau. J’avais besoin de me retrouver. Une bouffée d’air frais, au sein de la nature n’était pas de trop pour me redonner le calme dont j’avais besoin.

Dieu seul, connait l’effort que je dus faire sur ma personnalité. J’avais besoin de me réhabiliter à mes propres yeux, besoin de retrouver mon intégrité, aux yeux des scouts – aumônier, je devais payer d’exemple. Je me sentais bien loin d’être comme je devais l’être.

Vers la mi-août, je me retrouvai dans mon deuxième camp à Dimen. Camp louveteaux, une bonne semaine, suivi d’un camp scout, environ quinze jours. Je venais de passer un mois et demi au sein de la nature sous la tente, caressé par les souffles de la nuit, car je ne dormais pas, je veillais le repos des enfants, bruni par le hâle du soleil et du grand air.
Début septembre, gagnée une bonne partie de mon aplomb, je me retrouvai à Tripoli, ne sachant point à quel saint me vouer pour échapper à la brume qui s’amoncelait dans mon horizon plus qu’à moitié voilé par l’inanité du vide.

On me proposa d’aller en mission au Koweït. La paroisse manquait de curé. Je ne l’avais jamais fait. J’avais tâté de l’enseignement, j’avais, surtout, couru les bois, le sac au dos, à la tête de la jeunesse. Les beaux jours d’une fois. Comme nous étions heureux d’aller à la recherche de l’air pur, de la tranquillité, de la paix. Pendant toutes nos marches à travers monts et vallées, nous cherchions les signes du Bon Dieu, dans une fleur, dans un rocher de forme particulière, dans un bosquet, dans l’eau cristalline d’une source jaillissant dans un coin caché de la forêt, dans un panorama, dans les horizons bleus. En ce temps-là le Bon Dieu, nous parlait doucement de sa présence invisible. Tout à l’heure, l’horizon voilé, la source asséchée, le soleil brûlant, l’oxygène raréfié, tout me tapait sur les nerfs.

Où suis-je ? Que suis-je devenu ? La voix me suivait j’avais besoin d’échapper à mes angoisses, besoin d’une bouffée d’air frais ; de calme, de paix, en un mot j’avais besoin de reprendre mon destin en mains, de retrouver l’être bon qui m’avait déserté.

L’idée me plut, échapper d’abord à mon ambiance étouffante. Passeport, visa et me voici en plein air. Tout à l’heure, je me sentais réellement en plein air. Le sens du poids, de la gravité m’avait quitté. Léger, léger comme une fane d’automne, j’avais perdu tout contact avec le réel. Je volais corporellement et spirituellement. Deux heures de vol à peine, un autre monde, venait de me happer. Pouvait-il durer ? Un simple souhait. D’ailleurs, souvent, les souhaits s’amoncellent pressantes sur les pentes de notre imaginaire. Nous tombons rarement sur les bons.

Tiré de mes rêveries par la voix qui annonçait l’atterrissage. Je restai, quelques instants à regarder, par le hublot, le soleil préparer son couchant. Le ‘’driver’’ indien de notre station attendait là à la sortie.

La maison n’était qu’à une centaine de mètres de la plage. Je me retrouvai rapidement sur un sol fluctuant.

Tout en face, le sable brûlant d’un désert tout tendu vers l’infini. Par derrière, les vagues houleuses de l’immense océan venaient lécher doucement les premiers galets du rivage. Pris entre les dents d’une tenaille impitoyable, je devais me décider pour quelle orientation opter. Me laisser happer par le fond obscur d’un désert déroutant ? L’argent facile, les plaisirs mielleux. Nouvel arrivant inconnu dans le pays, je me sentais prêt à me laisser engluer par le suc résineux de ses mirages.

Cependant, le travail, une fois engagé, semblait manquer de points de repère. A quel saint vouer les trente mille catholiques dispersés sur les quatre coins du pays. Ces braves gens, venus des terres les plus disparates du monde, venus dans ce petit carré du désert à la recherche d’une bouchée fort coûteuse. Le plus souvent, ils avaient amené avec eux, leur bonté, leurs souvenirs, leurs pays, leurs campagnes, leurs ruelles, leurs quartiers, leurs parcelles de bonheur, leurs rêves et souvent une simple partie de leur vie.

Du matin, assez tôt, jusqu’à bien tard dans la nuit. Il m’arriva même, une fois, de devoir bénir un mariage à minuit. Devant cette pure bonté, parfois même, capable d’encourir l’imbécillité, on ne pouvait, on ne devait point reculer. Le travail n’avait pas de points de confins.

Souvent, alors que le soleil se hâtait de rassembler ses dernières lueurs pour préparer son couchant, je gagnais la plage, à la descente de la nuit. Les flots de l’océan, plus calmes que jamais invitaient au silence, à la réflexion. Paisibles, ils filtraient à travers leurs résonnances harmonieuses, une paisible douceur à laquelle je me sentais attiré, à laquelle je ne manquais pas d’avoir recours à chaque fois que les ombres de la nuit menaçaient de balayer mon âme du flux de leurs vagues d’angoisses. Souvent, à la clôture d’une journée fébrile, je traversais les cent mètres qui séparaient la maison du rivage, je me trainais jusqu’à l’eau pour m’embarquer doucement loin, bien loin dans mon passé.

Au lieu d’amener la tranquillité que je venais rechercher, le roulis des vagues brouillait l’espace, me poussant à vagabonder dans les fonds ténébreux de l’océan.

Rentré, je reprenais ma peau nocturne et la fièvre du travail me ravalait à la réalité. Du matin jusqu’à tard, la nuit, un baptême par ici, un mariage par-là, un décès entre les deux, des problèmes à résoudre aux moments inattendus, le travail enchainait son rythme m’empêchant de vaquer à mes fantômes.
Le temps passait vite. Chaque jour je me sentais plus près de ce bon peuple de mon pays, venu gagner son pain à la sueur de son front. Des gens du peuple, paysans du Liban, de la Syrie, immigrés palestiniens ou d’ailleurs, comme ils étaient attachants. Ils m’ont redonné goût au travail, au service. J’ai commencé de sentir en eux le peuple du Baptiste, le pressant de le conduire au Christ, à la sortie du désert. Troupeau assoiffé de vie, ils avaient besoin d’un guide, d’un pasteur généreux et vigilant…

Entre le baptistère et le cimetière, j’ai retrouvé la valeur de l’homme-prêtre, le sens du sacerdoce, du service gratuit.


 Père Cesar Mourani ocd

 

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